Le fil de la désobeissance : les Crazy Quilts – Une exposition de quilts de la collection de Charles-Edouard de Broin
“Le patchwork n’a pas toujours été sage. Loin des classiques du répertoire, souvent géométriques, le crazy a fait un temps fureur chez les petites mains d’Amérique, renouvelant ainsi leur formidable audace. Pour comprendre ces quilts hors du commun, il faut bien sûr rappeler l’indépendance dont l’Amérique est (t) issue. L’indépendance, ou même la résistance américaine s’est souvent exprimée à travers le patchwork, notamment au 19ème, par le biais des Protest quilts, au service des plus grandes causes de l’histoire nationale, comme l’abolition de l’esclavage, la lutte contre l’alcoolisme ou le droit de vote des femmes. En 1876,, lors de l’Exposition universelle de Philadelphie célébrant le centenaire de l’Indépendance, les visiteurs s’extasient devant les arts décoratifs japonais, qui deviennent aussitôt une nouvelle source d’inspiration pour les arts populaires en général et pour le patchwork en particulier. Avec ses motifs pleins de fantaisie, suggérés par les magazines féminins de l’époque, vite relayés par l’imagination infinie des quilteuses, le crazy libère du carcan du patron (pattern). Anti-modèle plus que modèle, il leur permet de créer un univers textile où se côtoient étoiles et toupies, éventails et marguerites, chapeaux et bottines, monogrammes et papillons, en toute licence poétique. Le crazy est aussi l’occasion de faire valoir son patrimoine, les étoffes dont on dispose autant que son savoir-faire. Avec un effet de surenchère qui en fait le charme, le velours et la soie se mêlent au taffetas, au satin et au brocart dans des compositions surchargées de rubans et de galons, rebrodées dans une vaste gamme de points, du plus simple au plus sophistiqué, produisant quilt après quilt, une unique chatoyance. Ce genre au charme fou est vite adopté par des quilteuses moins fortunées mais tout aussi imaginatives, qui recyclent alors lainages ou cotonnades pour composer leurs tableaux textiles personnels, souvent à décrypter comme un rébus ou une devinette. La mode ne durera que quelques décennies, tombant déjà en désuétude en 1910. C’est une immense chance de pouvoir admirer quelques spécimens que Charles-Edouard de Broin, collectionneur fort sage mais aussi un peu fou, nous fait l’honneur de nous prêter, pour être exposés dans cette magnifique galerie de la Fondation des Etats-Unis qui leur sert d’écrin. Qu’il soit ici remercié de nous offrir ainsi un tel kaléidoscope de grâce et de beauté”.
-Géraldine Chouard, Commissaire de l’exposition
Charles-Edouard de Broin, collectionneur
« Sensible dès mon jeune âge à l’art populaire, j’ai rencontré le monde du patchwork du fait de mon activité professionnelle d’explorateur pétrolier, d’abord à Sydney, puis de façon plus approfondie à Houston, au Texas, la Mecque des fans du patchwork, où j’ai résidé de longues années. Mon penchant esthétique pour ces quilts (fascination pour leur géométrie et leur impact graphique) s’est vite transformé en une passion pour leur dimension historique et culturelle, désormais l’objet majeur de mon intérêt pour la pratique. Collectionneur de quilts depuis plus de trente ans, mes goûts ont évidemment évolué, des “Log Cabin” (icône du genre) et de ses variations, aux quilts plus audacieux et/ou abstraits, en passant par les vibrants “Amish”, avec aujourd’hui un penchant nouveau (et sans doute un peu fou) pour les “Crazy”… »
Géraldine Chouard, commissaire de l’exposition
Professeure à l’Université Paris-Dauphine, Géraldine Chouard est spécialiste de culture visuelle américaine, notamment de patchwork, son domaine de recherches. Ses travaux portent sur la valeur historique et culturelle de la pratique. Elle a collaboré à plusieurs expositions, notamment “Quilt Art: l’Art du patchwork”, au Centre Mona Bismarck Center en 2013. Elle a réalisé avec Anne Crémieux (Université Paris-Nanterre) deux documentaires sur des artistes du patchwork, Riché Richardson: Portrait of an Artist. From Montgomery to Paris (2009) et Gwendolyn Magee, Mississippi. Threads of History (2012). Elle a fait partie du comité de rédaction de L’Amérique des images, collectif consacré à l’histoire et culture visuelles des Etats-Unis (Hazan/ Paris-Diderot, 2013). Membre du comité de rédaction de Transatlantica depuis 2001, elle y dirige la section “Trans’Arts”, consacrée aux arts visuels américains. Découvrez sa biographie détaillée ici.
Horaires d’ouverture
Du lundi au vendredi de 10h à 12h30 et 14h30 à 18h. Visite le soir ou weekend sur rendez-vous : culture@feusa.org
Visites guidées : les mardis 8, 15, 22 et 29 novembre à 16h. Fermeture exceptionnelle le 30 novembre.
Le vernissage aura lieu le mercredi 2 novembre à partir de 19h dans le cadre d’Art-Hop-Polis, le art hopping à la Cité internationale. Sept autres maisons – Belgique, Suède, Suisse, Inde, Brésil, Portugal et Tunisie – vous invitent également à découvrir leurs expositions. Consultez le programme détaillé sur CitéScope.