À l’occasion de la Saint-Valentin, découvrez l’histoire d’amour entre Asa Paul Ruskin et Francine Klein Ruskin, anciens résidents de la Fondation des États-Unis, racontée par leurs enfants, Adina et Philip.
Asa, jeune étudiant américain en médecine s’arrêta soudainement devant les grandes portes en verre qui mènent à la salle d’étude. Il porte avec lui quelques livres, et tandis qu’il hésite entre réviser ou flâner, il remarque une jeune femme plongée dans sa lecture. Elle détourne le regard et il reste bouche bée devant ses yeux en amande, son teint porcelaine et ses cheveux noir ébène. Alors qu’il entre dans la salle, assise à une des quatre tables, la jeune femme ne lève pas les yeux. L’espace est clairsemé et élégant, il ressemble au solarium d’un château avec des moulures, et non à une salle d’étude. Il laisse glisser ses doigts le long de la table en chêne la plus proche, lui permettant d’observer ses veines et ses cicatrices, mais la jeune femme semble toujours l’ignorer. Asa Paul Ruskin était un étudiant en médecine de 22 ans, soigné et social, il venait tout droit de New York City et avait l’habitude d’être remarqué. Alors qu’ils étaient seuls dans la pièce, il essaie alors d’engager une conversation avec la charmante jeune femme.
Francine Klein, étudiante en psychologie de Buenos Aires, était venue dans cette salle pour étudier. Elle ramassa alors ses livres et changea de table. Des années plus tard, Asa, mon père, persistera et prétendra que c’était un coup de foudre, du moins de son côté.
« Il n’y a que quatre tables », m’a-t-il dit un jour, me montrant où il avait rencontré ma mère.
« Que s’est-il passé ensuite ? », je le provoquais, même si je connaissais déjà bien l’histoire. L’entendre ici, là où ça s’est passé, était captivant.
« Elle a accepté d’aller prendre un café avec moi après ses examens à condition de la laisser tranquille pour réviser. » Nous éclations tous les deux de rire. Nous étions heureux d’être ici, à la Fondation des États-Unis à la Cité international universitaire de Paris en 1986.
Francine a toujours été meilleure élève qu’Asa. Après leur café ensemble, elle admit qu’il n’était pas si désagréable, et accepta un prochain rendez-vous, le premier d’une longue série. Ils se virent à la Pâtisserie Viennoise pour leur célèbre chocolat chaud, se promenèrent dans le Jardin des Plantes, et allèrent regarder un film au cinéma Le Champo. Près d’un an après leur rencontre, alors qu’ils étaient à la bibliothèque, Asa demanda « J’écris une lettre à mes parents. Quand devrais-je leur dire que nous nous marions ? Cette année ou l’année prochaine ? », elle répondit « Cette année ». Mon frère Marc naquit un an plus tard en 1954, et mon frère Philip quelques années plus tard.
Chaque grande histoire d’amour commence quelque part, et pour nos parents, c’était ici. Notre mère était une étudiante Franco-Argentine en psychologie à la Sorbonne. Au début des années 1950, il fallait être membre du parti justicialiste pour habiter à la Maison de l’Argentine, ce qu’elle ne souhaitait pas. Un jour, elle tomba sur une connaissance de Buenos Aires, Guida Kagel, qui louait une chambre à la Fondation des États-Unis. L’engouement de Guida était palpable quand elle lui décrivait à quel point elle aimait y vivre et qu’elle cherchait justement une nouvelle colocataire.
Philip et moi nous tenons rêveurs dans cette pièce. Phil a récemment réemménagé en France. Pour ma part, j’effectue des recherches pour un livre que j’écris. Ce dernier raconte la journée passée à me promener dans Paris avec notre père lorsque j’y ai emménagé à 23 ans. En nous tenant dans cette salle, nous sommes captivés par la beauté de la pièce et la signification qu’elle a pour notre famille. Nous réalisons doucement que, sans cette salle d’étude à la Fondation, nous n’existerions probablement pas. Merci à la Fondation des États-Unis d’avoir été le berceau de notre famille.
Francine et Asa déménagèrent à New York City en 1958, où ils continuèrent leurs carrières respectives et donnèrent naissance à leur fille Adina, moi, six ans plus tard.
Carrières et vie après la FEU
Dr. Francine Klein Ruskin a commencé sa carrière à New York City dans le célèbre Center For Child Development de Northside, sous la supervision des renommés Dr. Keneth et Mamie Clark. Elle décida par la suite de continuer ses études et de recevoir son doctorat en éducation du Columbia University’s Teachers College. Elle a ensuite fondé et dirigé la division hispanique du Metropolitan Center for Mental Health, le plus grand centre de ce genre à New York, qui emploie plus de 40 praticiens hispaniques dans le domaine de la santé mentale. Elle y a poursuivi son activité de psychothérapeute et a recruté et formé une génération de jeunes thérapeutes dont elle a été le mentor.
Dr. Asa Paul Ruskin était un neurologue et physiatre novateur. Connaisseur et militant pour les droits des personnes en situation de handicap, il prenait la parole devant le Congrès américain afin d’obtenir des rampes d’accès pour tous les bâtiments publics. Asa a rédigé le manuel de médecine physique (en physiatrie) utilisé dans les écoles de médecine américaines. Il a été professeur adjoint à John Hopkins et directeur de la médecine physique à l’hôpital médical juif de Kingsbrook. Il y a joué un rôle déterminant dans le développement d’un nouveau bâtiment consacré à la rééducation, qu’il a dirigé pendant les 16 dernières années de sa vie. Asa écrivait régulièrement au New York Times des lettres aussi bien poignantes que politiques. Il a été nommé Honorary Police Surgeon (titre honorifique pour service rendu à la ville, accordé pour avoir appris à la police à sauver des victimes d’accidents) par la ville de New York. De ses nombreux diplômes et distinctions, il était particulièrement fier d’avoir été nommé Chevalier dans l’Ordre des Palmes Académiques, l’une des décorations honorifiques les plus estimées de France.
Asa et Francine aimaient la vie, leur famille, leurs ami.e.s et voyager. Dans sa quarantaine, Asa est devenu pilote de petits avions et raccompagnait souvent ses fils à l’université. Vers sa cinquantaine, il a commencé à prendre des leçons de chant, inspiré par leur amour mutuel de l’opéra. Francine, quant à elle, était célèbre dans le monde entier pour ses dîners chaleureux, festifs et internationaux. Mais par-dessus tout, ils étaient tous deux d’excellents parents.
Article par Adina Ruskin